Embarquez à bord de la Chartreuse Terminorum [fin de thèse]

Le travail de thèse est enfin officiellement terminé, depuis la soutenance du 21 décembre dernier, qui s’est déroulée à Strasbourg. A cette occasion, je vous invite à vous plonger dans l'”Annexe 65″ de ce travail au long cours, et d’embarquer, avec le chercheur, sur la première boucle de la fameuse Chartreuse Terminorum, édition 2022.

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Un tour de CT, tu ne fais jamais 60 km qui te mettent dans cet état.

Mickaël, vétéran

Les yeux se sont à peine fermés qu’un barrissement étrange retentit au camp. Trois coups lointains, puis le silence. De tente en tente, la rumeur court, éteint les doutes des postulants. Quelques frontales s’allument soudain entre rires et ronchonnements. 23 h 04 = départ à 00 h 04 : logique pour une quatrième édition. La course vient de rappeler à tous son imprédictibilité. Quelques inconnues de l’équation ont été dévoilées. De nouveaux calculs apparaissent. Maxime évoque « une blague ». Le Grand Som face à moi a pris des airs de montagnes russes ; émotionnelles, noires.

« On pensait partir tôt, on est parti encore plus tôt, plaisantera plus tard Mickaël. Mais première boucle, tu te dis : « Déjà une nuit en moins, quand tu veux faire 5 boucles, c’est énorme [4 nuits]. Se le projeter, c’est un peu compliqué ». Ainsi, comme l’écrivait Bruner (in Brougère, 1995, p.252), les objectifs ont déjà changé avant d’avoir commencé.

Cédric, « logisticien » en chef, rassure les premiers réveillés – souvent les derniers couchés – : « Vous auriez mal dormi de toute façon ». Ce que confirme Liess : « Je pense que ça sauve pas mal de monde. Moi, j’me suis mis dans le lit, il devait être 22 h 30, et t’as même pas le temps de tourner ».

Jeudi — 23 h 04 : La quatrième Chartreuse Terminorum débutera à 00 h 04 ! Les organisateurs ont fait retentir trois fois le clairon à 23 h 4 ! Les 40 participants n’auront donc quasiment pas dormi avant de s’engager sur les 60 kilomètres de la première boucle !

Jeudi — 23 h 33 : Les coureurs quittent petit à petit la chaleur de leur tente, frontale en place. « Bon, vous nous préparez l’apéro », plaisante Maxime Gauduin prêt dès le coup de clairon. « J’arrivais pas à dormir, je voyais des courbes de niveau, des cartes IGN, c’est une délivrance, avoue Aurélien Roux Fouillet. J’ai regardé trois minutes avant le clairon me disant que ça m’arrangerait bien d’y aller maintenant ! »

Vendredi — 00 h 04 : C’est parti pour la quatrième édition de la Chartreuse Terminorum ! Les quarante coureurs en lice ont pris le départ à 0 h 4, soit une heure précisément après que l’organisation ait fait sonné le clairon. Le départ le plus tôt de cette jeune course. C’est parti pour une première boucle de 60 kilomètres et 5000 mètres de dénivelé positif, à terminer avant 16 h 4 sous peine d’être éliminé !

Extrait du live du Dauphiné Libéré, 2022

Une lampe posée sur un agrès illumine le cierge, la plaque et le clairon. C’est la pleine lune alors : comme souvent en ultra. Les coureurs lacent leurs chaussures, silencieux et concentrés, tandis que les premiers s’avancent vers le repaire du triumvirat, à côté de la zone des cartes. Comme pour l’offrande, ils s’y rendent un à un. Face à Benoît du triumvirat, à quelques proches et à des suiveurs de Raidlight, ils énoncent leur numéro de dossard, afin qu’ils l’associent à une balise GPS, à porter durant l’épreuve. Ces balises, créées par une entreprise savoyarde, émettent des signaux, mais n’en reçoivent pas.

Un coureur peut appuyer sur un bouton d’urgence « SOS », mais ne peut être prévenu en cas de risque d’orage, par exemple, ou s’il s’aventure sur une partie trop dangereuse. Tous scellent leur téléphone dans une pochette étanche, à mettre dans leur sac. Son utilisation ferait sortir le coureur de l’épreuve, mais garantit une sécurité supplémentaire, si tant est qu’il y ait du réseau… Aucun matériel n’est contrôlé. La confiance règne, côté organisation.

Avec la chaleur annoncée, certains prennent ce départ comme une chance. Emmanuel assure pourtant que tout était « calé bien avant ».

La dernière heure de préparation défile en un éclair, entre l’excitation et la peur d’oublier quelque chose. Céline a fermé le roadbook à 22 h 36. Ses affaires sont ficelées depuis bien longtemps, mais la panique domine et remanie ses plans : « On va commencer la course de nuit… ». Des pensées limitantes l’assaillent : « Je ne vais pas réussir à suivre les autres », « Je vais me paumer avant de trouver le 2^e livre », « Ça va être un carnage encore plus que ce que j’avais imaginé ». Mickaël lui a conseillé de rester avec Sophie, qui connaît le parcours et est « un peu blessée ».

Peu avant l’horaire, les coureurs s’amassent autour de la grosse pierre, symbolisant le départ. Les sacs semblent peu volumineux. Il est trop tôt pour qu’ils soient lourds. Même constat pour les jambes. Les vétérans, connaissant le départ, en profitent pour gagner quelques mètres et se placer idéalement. Les virgins se rapprochent.

Un énième coup de clairon libère les fauves. Les performeurs déboulent aux avant-postes, pour passer le premier virage et la rivière sans encombre. L’allure est particulièrement rapide pour une course de 300 km théoriques. « Comme si on jouait sa vie », en plaisante Jean-David. Aux premières positions, David, Benoît et Maxime ouvrent la marche. Plus loin, Liess et Éric reconstituent le duo de leurs entraînements. Mickaël, qui a annoncé partir prudemment, reste dans leur sillage[1].

À de nombreuses reprises, depuis plusieurs mois, Liess me demandait quelle serait ma stratégie « en tant que chercheur » ? À ce stade de la course, j’espère encore naïvement pouvoir courir des portions avec tous ceux capables de finir une boucle dans les temps. D’après nos différentes sorties, j’imagine donc accompagner Maxime au premier livre, puis me laisser décrocher jusqu’à Benoît ou Mickaël, et glisser jusqu’aux suivants, passée la moitié du parcours : Jean-David, Liess et Éric[2], sans savoir dans quel ordre. En revanche, je tire une croix sur Céline.

Ce passage de la rivière est symbolique. Un pont, bâti d’une rive à l’autre, existe pourtant juste au-dessus, mais les organisateurs ont préféré ce gué spectaculaire[3]. Il revient dans tous les films, dans tous les reportages. Il constitue une première étape, un premier casse-tête pour certains, se demandant comment épargner leurs pieds. Nous le retrouvons dans tous les récits, comme dans celui de Sophie par exemple, tombée lors de sa dernière participation. Symboliquement, l’eau marque un second seuil. Du baptême au Rubicon, elle est une frontière entre l’avant et l’après. Les coureurs ne pouvant opérer un demi-tour, le monde ludique est atteint et les alliés de circonstance émergent dès cette étape. Juste avant, certains prennent la peine d’ôter chaussures et chaussettes, pour travers pieds nus et se sécher, comme Liess et Éric.

Sortis de l’eau, les coureurs traversent une des rares routes sur leur parcours et s’engagent dans un single sinueux. Dans l’obscurité, le champ de vision se restreint. D’autant que les frontales du public éblouissent pour la dernière fois. Comme les familles laissées au port, les coureurs ne les reverront qu’à leur retour. Là encore, une piste plus large existe, en parallèle, mais l’organisation a choisi ce passage, pour nous donner le ton. Dès les premiers hectomètres, une longue montée s’amorce. Les coureurs sont en nage. Avec la lumière des frontales, les insectes semblent nous sauter au visage. Je me croirai presque dans une forêt tropicale. Ça pue par endroit, preuve qu’ici comme ailleurs l’estomac est cause d’abandon en ultra.

De petits groupes se forment, mais personne ne parle. Seul le bruit des bâtons sur la terre sèche qu’ils cognent. Benoît et Laurent, un autre vétéran, se rapprochent. Ils montent à bon train sur une pente à près de 20 %. Compte tenu du terrain et de la distance à tenir, tout le monde marche – au moins en montée. David et Maxime sont partis en tête avec Aurélien et François, deux virgins. La course par équipe, promise la veille, n’est pas encore renvoyée aux calendes grecques.

J’étais content de partir. Je me suis bien placé, avec David de toute façon, c’était sûr que ça allait se passer comme ça. En plus, j’ai tout de suite vu que David n’avait pas l’intention de prendre le large, de faire une boucle… […] Au début, quand on est partis, il y avait Aurélien, il y avait François, on était un p’tit groupe de 4 ou 5. Enfin moi j’ai pas fait le tempo dans la première montée. Je voulais me placer à mon rythme et ça allait un peu vite, Aurélien est parti un peu vite. Donc, du coup… C’est marrant… de toute façon, comme toi t’as vécu aussi le côté où tu t’es fait bizuter, quoi [rires], on les a un peu bizutés aussi avec David. Tu vois, ils ont raté un virage, David, il dit rien. David, il les laisse partir et hop-là, il prend la tête, donc là on s’est retrouvé à prendre la tête avec David. Bon. Aurélien et François, ils s’accrochaient quand même.

Maxime, vétéran

Alice ne tarde pas à rejoindre Benoît et Laurent, dans la touffeur. En contrebas, une nuée de frontales remonte en courts zigzags. « Une belle chenille », d’après Mickaël. À cet instant précis, dans ce groupe de compétiteurs, la Chartreuse Terminorum ressemble à n’importe quelle autre course ; les fanions en moins, la technicité en plus. L’entraînement prend ici tout son sens.

Personne ne semble vouloir emmener de monde sur son porte-bagages. Les mollets brûlent. Au deuxième livre, une dizaine de coureurs arrive à la cachette. Trouver sa page, l’arracher : plusieurs minutes peuvent séparer le premier du dernier, l’obligeant à un nouvel effort, de peur d’être distancé et de naviguer seul. Voilà un autre apprentissage.

Dans une épreuve où les minutes sont d’or, les vétérans relancent afin de ne pas perdre trop de temps dans la file. Un bras de fer invisible les oppose aux virgins, qui s’arrachent dans leur traîne. Courir derrière un groupe revient à suivre un balisage. Éric a même d’ailleurs rangé sa carte. Celle-ci ne semble destinée qu’aux perdus ou à ceux qui craignent de l’être.

La confiance des nouveaux envers les anciens est presque totale. Ce que comprend Maxime. Cela doit permettre à chacun de se créer « ses repères visuels ».

Ça m’avait dérangé la 2^e année, parce que la 2^e année, avec Gaët, on n’était pas prêts. On s’est tellement éclatés la 1^re année à faire notre orientation que la 2^e année, t’es triste de pas être dans la découverte [voir précédemment]. C’est un peu la même frustration que l’Espagnol, il a eu cette année. Tu vois, lui c’est un orienteur et il voyait tout le monde à chaque intersection se poser aucune question, et même pas sortir la carte, donc il était frustré parce que, lui, il voulait orienter, et il se rendait compte que, y avait personne qui orientait, quoi. Mais, moi, maintenant que je connais mieux la course, ça fait partie du jeu. Enfin, comme je vois Mick, comme il s’entraîne à fond sur les sentiers… Pour moi, si tu veux être performant sur cette course-là, il faut quand même connaître les sentiers. Il faut pas en être lassé, mais il faut les connaître et pas avoir de doutes et avoir des repères visuels.

Maxime, vétéran

Les uns et les autres relancent fort aussitôt que possible, au risque de se brûler les ailes.

Derrière, le rythme est moins important, mais Céline a le même credo en tête : ne surtout pas être seule. Elle s’est donnée pour but de suivre Sophie jusqu’au petit matin. Avec Agnès, le « dossard 1 », elles composent un mini groupe.

Dans ma tête, c’était la chèvre de Monsieur Seguin […] Vraiment cette image de la chèvre qui se bat avec le loup jusqu’au matin pour voir le soleil se lever une dernière fois.

Céline, virgin

L’expérience vécue enchâsse un récit, plus enfantin. La morale de ce conte résonne différemment dans sa situation. Les plus faibles, même courageux, pour survivre, doivent s’unir.

Dans la première descente, Alice et Benoît sont rejoints par une dizaine de coureurs. Certains coupent dans les virages, pourtant techniques, pour tenter de gagner une place. Quelques pierres roulent, amorties par des souches. Les voix d’Éric et de Liess les précèdent, en pleine conversation, toujours suivies de Mickaël. À chaque nouveau livre, les coureurs s’amassent, puis, comme un élastique, leur file se détend et se tend. Contrairement aux paroles de Jean-David, quelques mois avant, je ne prête pas attention aux titres : j’arrache[5].

Ben, on était quasiment tous. On devait être trente, j’pense, parce qu’il ne devait manquer que le groupe des filles qui allaient moins vite, avec les mecs-là, il manquait dix gars. Là, au livre machin, on devait être trente […] Et puis ça se battait en descente. C’est même pour ça que t’as pris le bâton de la fille[6], parce que ça fait un peu de la place, ça frotte, comme au vélo.

Liess, virgin

À sa main, Mickaël est dans son jardin. Il trouve si vite les livres que Éric et Liess l’imaginent les cacher. Derrière, si loin déjà, Céline, Agnès, Sophie – et Sylvain – ont uni leurs forces. Céline a envie de vomir, dans la première descente. « Heureusement à ce moment-là on s’est paumé. Ça m’a permis de ne pas trop forcer sur l’envie de vomir. Ça m’a un peu requinqué ». Durant ce temps, ses compagnons l’attendent.

Peu avant le troisième livre, Mickaël accélère, revient sur Benoît, le dépasse. « Moi, je suis à mon rythme. Je la connais, la course, je sais que ça va s’épurer ». Quand je tourne la tête, je découvre Liess, Benoît, Mickaël, Éric tailler pour la première fois ensemble, depuis le début de la thèse, et me revient alors en mémoire un passage de Born to run, et l’image d’un troupeau de cerfs, que je ne saurais expliquer.

Je constate que « ma stratégie de chercheur » est déjà tombée à l’eau. Tout le monde « jardine* », mais Mickaël se faufile entre les pierres, le bois mort et les mousses ; il siffle. Éric et Liess le suivent, s’emparent à leur tour du sésame. Puis la troupe repart, regagne une piste descendante. Aux rares points d’eau, tout le monde s’arrête, personne ne s’attend. Les coureurs les plus à l’aise continuent à doubler dans les passages techniques. « Si c’est 60 kilomètres comme ça… », s’amuse Nicolas, un virgin, dans une portion chaotique. Liess et Éric semblent m’attendre par moment. Au quatrième livre, un nouveau bouchon puis une file. L’élastique encore. Certains commencent à lâcher. La même troupe fond sur Maxime et David ; le second boitillant. Il a le genou en sang à la suite d’une lourde chute, me glisse Maxime. Liess jette un regard incrédule. Ils se taisent, avec Éric. La dizaine de coureurs présents le voit éliminé, pourtant David s’accroche, sans que les autres ne l’attendent encore[7]. L’aiguille tourne trop vite.

Mickaël ouvre à présent la marche, coupant droit dans la pente, sur la portion plus raide. Il n’y a pas vraiment de chemin, dans cette obscurité. Sur la dizaine de coureurs accrochés, des virgins explosent un à un.

Après, j’ai fait la descente, j’ai fait le replat. J’ai quand même bien mis quelques cartouches au plat pour pas emmener personne. Autant j’avais envie de courir en groupe, mais j’avais pas envie qu’on coure à dix, et le problème de la nuit, voilà, tu vois toutes les lampes et c’est impossible de faire des écarts et, tu perds vite du temps à dix. Dans les épreuves, quand on avait fait la 2^e édition, même sur les livres, on s’embrouille parce que des fois, t’es pas d’accord dans l’interprétation de la zone et du coup, tu vas commencer à chercher dans tous les sens. En fait, tu vas pas chercher le livre, tu vas chercher à regarder que l’autre n’est pas en train d’attraper le livre et, du coup, c’est hyper perturbant, c’est pour ça qu’on est partis un peu comme ça devant.

Maxime, vétéran

Détachés du premier groupe, deux virgins en surrégime se perdent, opèrent un demi-tour. Ils retombent sur Benoît et Laurent, qui ont laissé filer les flèches. À partir de ce moment, je perds la trace de Liess, Éric, Mickaël et Maxime.

Le parcours donne l’impression d’être un concentré de difficultés. Les montées sont raides, longues ; les descentes encore pires. Les rares parties « roulantes » sont tapissées de plantes jusqu’à mi-mollet, de sorte que les pieds ne se posent jamais à plat. Comme à Frozen Head, d’après Benoît du triumvirat. Les pièges au sol sont nombreux : orties, barbelés, troncs à enjamber – voire à escalader, quand il ne faut pas s’agenouiller pour passer en dessous. Ne manquent que des passages vertigineux, quasi suicidaires en cas d’hallucinations[9]. Les coureurs parvenant à se repérer croisent en revanche quelques figures touristiques, dont l’histoire et la symbolique renvoient à l’histoire des moines.

Le tracé a été pensé de telle sorte qu’il offre de nombreux raccourcis pour rentrer au camp, pour celles et ceux qui souhaiteraient abandonner. Raccourcis vite rebaptisés « routes des abandons » par les vétérans et le triumvirat. Traduction de la « Quitter’s Road » de la Barkley (Furtaw, 2010, p.34). Ces derniers usent mentalement les coureurs.

À l’un des rares points d’eau accessibles[10], non loin d’une de ces routes, Benoît remplit rapidement ses gourdes, parmi un peloton d’une demi-douzaine de coureurs. Dans le groupe de tête, David, Maxime et Aurélien, un virgin, ont pris les devants et s’arrêtent manger. Quand Liess, Éric, Alice et Mickaël les rejoignent, les trois stoppent le pique-nique et repartent. Derrière eux, Benoît ouvre la marche et les suiveurs explosent un à un dans son sillage, jusqu’à ce qu’il n’en reste que trois. Les frontales s’éteignent, avec quelques espoirs. La pente est si raide qu’il n’est déjà plus possible de voir les virgins qui s’accrochaient il y a quelques instants.

Arrivés au sixième livre, les coureurs sont moins pressants. Celui-ci a été disposé pour obliger les coureurs à passer par ce point. Un virgin, vivant à Saint-Laurent-du-Pont, connaissant le terrain, coupe à travers la forêt pour regagner la trace, et s’économiser quelques centaines de mètres. Emmanuel du triumvirat patrouille pourtant sur le terrain, afin de voir si tout va bien. Il observe, sans se faire voir, puis repart à un autre endroit.

Toutefois, impossible pour le triumvirat de sanctionner un coureur, sorti de la trace – à moins de s’en prendre à tous les égarés ! Les livres sont là pour ça. Et une descente, jugée plus rapide, peut s’avérer un ennemi redoutable, pour les quadriceps, quelques kilomètres plus bas.

Le septième livre met toute une bande à rude épreuve. Caché sous une pierre, au milieu d’un chaos. Deux groupes fusionnent et s’entraident. Après près d’un quart d’heure à fouiner, un plus heureux l’extrait enfin, en fait profiter les autres. Le groupe apparaît alors comme une forme d’assurance à ce moment de la course, même pour les performeurs. Sans se le dire, les coureurs cherchent ensemble, scellent un pacte implicite : chacun se répartit une zone – plus ou moins grande selon le nombre –, pour gagner du temps. Ce temps économisé – identique pour tous, à condition d’être arrivé plus ou moins ensemble – est la contrepartie au partage. Durant la recherche, les coureurs ne communiquent pas – hormis de manière stratégique. Ils restent concentrés sur leurs objectifs. Aussi, cette expérience commune ne peut être rattachée qu’à un projet individuel. Pour ces coureurs, à majorité performeurs, découvreurs ou jusqu’au-boutistes, le passage au mode convivial n’est qu’une opportunité et sert un objectif plus large. Nul n’attend par empathie ni sympathie. Tous « font » avec celles et ceux présents, par la force des choses ; plutôt qu’ils ne se forcent à rester avec eux. D’ailleurs, une fois le livre découvert, tous repartent de plus belle.

Les premiers repartis, sans se retourner, ne voient même pas qu’ils se trompent de piste, tandis que Benoît et Laurent remontent la pente, de manière machinale, sans les héler. Pour eux, la navigation est un travail de mémorisation visuelle et la carte devient un outil de contrôle. Peu loquace depuis le début de la course, Benoît, pour la première fois, se déclare soulagé de ne bientôt plus avoir à faire le « yoyo »[11]. L’élimination progressive, au train et par l’arrière, rend l’avancée plus fluide. La sensation de course classique s’estompe peu à peu. 

Arrivé au point d’eau plus de deux heures après les précédents groupes, la troupe de Céline commence à fatiguer. Sylvain décide d’arrêter, tandis que les filles continuent : « Fuck le chrono ! dira Céline. On va essayer de trouver un maximum de livres ». Les compétences de chacune sont mises au service d’un collectif. Une forme de répartition des rôles s’opère.

À trois, c’est plus rassurant. Pour une question de niveau aussi. Humainement, c’est vachement plus sympa. Tu peux confronter ton avis. Regarder la carte. « Là, le chemin il part comme ça »… C’est plus facile de prendre des décisions et de s’y tenir. On s’est bien entendu. Il n’y avait pas de cheffe. Sophie était pas mal maître de l’itinéraire, sauf quand elle ne savait pas. Là, on mettait pas mal en commun. C’était elle qui donnait l’itinéraire. Agnès, elle nous a pas mal motivées. Elle raconte des conneries. Elle est sympa, quoi. C’est une bonne compagnie pour penser à autre chose. Moi, je ne suis pas si mauvaise que ça en orientation.

Céline, virgin

Céline profite du groupe pour accepter ses capacités. Seulement, avant de continuer après le point d’eau, elles doivent retrouver le livre 4, oublié en chemin. « On était tellement contentes qu’on s’est mise à gueuler, et là un mec en sandales nous a retrouvées et on a trouvé le livre 4 grâce à ça. Là, on est reparti à quatre. Agnès, Sophie, Fred – le mec en sandales – et moi ».

Devant, Liess et Éric s’accrochent à Mickaël, qui prend plaisir à « faire le tour opérateur ». Parfois, il tape une pierre, pour donner un repère visuel. Parfois, il montre un arbre.

Ça m’a pris un peu plus d’énergie, mais le bénéfice [de ne pas être seul] est supérieur. Nous on l’a pas eu cette transmission. On arrivait comme des cons sur plein de points pour trouver des livres et même des sentiers. Et aujourd’hui, [les virgins] ils ont cette chance. Moi, j’étais content d’avoir eu à jardiner* et à galérer. Mais, je prends du plaisir à transmettre à la « nouvelle génération », on va dire, qui peut avoir cette chance.

Mickaël, vétéran

Avec le lever du soleil, la chaleur commence à se faire sentir. Le premier jour est à peine levé que les coureurs les plus solides se projettent dans le suivant. Preuve que la Chartreuse Terminorum est une expérience de gestion, avant tout autre chose. Dans une descente, Benoît avance : « Tu as vu comme elle est longue. Imagine en montée… ».

Comme le résumera Mickaël, pour ces coureurs aux objectifs élevés, « dans le 1^er tour, dans la tête, tu fais les calculs, on fait que ça calculer… ». Pour lui, tout reste « hyper fluide ». Dans son entretien d’après course, d’ailleurs, le souvenir de ce premier tour est très vite balayé. Au cours de cette longue descente, le groupe parti sur un autre sentier rattrape celui de Benoît. Les coureurs se rangent à nouveau en file indienne, sur un single étroit. Au huitième livre, Benoît s’engouffre le premier, les virgins lui emboîtent le pas. J’arrache ma page en dernier, et quand je tourne la tête, tous ont disparu. Je m’élance alors sur une piste descendante, en espérant les rattraper. La visibilité est bonne, mais personne n’apparaît. Un bruit d’eau m’empêche de discerner un cliquetis de bâtons. Le sol est trop sec pour y lire une trace. Je parcours le chemin à l’envers et découvre une sente, que j’avais dépassée, seul, sans vétéran et virgin ; sans « mes interlocuteurs ». Je jette un coup d’œil à la carte et continue d’avancer. Une autre course commence, qui n’était pas prévue : la course, la vraie.

Fred, l’homme aux sandales, a préféré abandonner lui aussi. Céline, Agnès et Sophie ne sont pas d’accord sur le chemin à suivre, mais finissent par remonter la piste en direction du livre 6.

On était vraiment en mode rando. On était cool. On était bien. On profitait de la course. Plusieurs fois, on a fait le point. Moi, ça m’a rassuré. Je n’avais pas trop de problèmes pour suivre l’itinéraire. On en a profité aussi pour apprendre à Agnès à lire une carte. C’était rigolo, car on a eu vachement de partage. C’était sympa. On a trouvé les livres 5, 6, 7, tranquillou.

Céline, virgin

Ce mode « rando » permet aux unes de se confier ; aux autres, de partager leurs « soucis » quotidiens. Malgré la difficulté et l’échec inéluctable, l’expérience de course reste positive pour Céline, en tant que conviviale.

Esseulé, je suis confronté à un dilemme : accélérer pour essayer de rattraper Benoît et le groupe, au risque de me précipiter, de me perdre encore et d’épuiser mes forces ; monter à mon train, et perdre plus de temps encore au prochain livre et à chaque doute de navigation ; ou attendre un autre groupe, qui peut n’être composé que de virgins et dont les chances de boucler un tour sont peut-être amoindries[12] ? Désireux depuis le début de vivre l’expérience des premiers vétérans, je décide de prolonger ma marche seul, aidé du roadbook.

En chemin pour le huitième livre, le groupe de Céline croise Emmanuel et Nicolas du triumvirat, qui leur apprennent que leurs balises GPS se sont désactivées.

Nous on était contentes de les voir, et eux ils étaient en panique. C’était vachement drôle. On était un peu à l’opposé. Et au final, on est descendu jusqu’au livre 8 avec eux. Sophie a décidé de continuer. Nous on n’avait plus rien à bouffer. On n’avait plus d’eau. Car ça faisait quand même X h qu’on était en course. On a tout donné à Sophie, et on l’a laissée continuer.

Céline, virgin

Le triumvirat leur rappelle qu’en cas d’abandon, monter dans un véhicule les empêcherait de repostuler l’an prochain. Agnès et Céline décident donc de rentrer au camp, à pied, par un chemin détourné.

Au gré d’une montée interminable, deux autres coureurs me rattrapent. Parmi eux, Olivier, un vétéran, et F.–X., un virgin, sur liste d’attente, comme Éric, qui a saisi sa chance en se pointant lui aussi. Les uns et les autres se présentent sommairement. Les deux font la navigation et semblent bien s’entendre. La montée est harassante, hasardeuse : un vrai mur, en plein soleil ; au sol, tout n’est que pierres et hautes herbes. Olivier et F.-X. parlent sporadiquement – la plupart du temps pour commenter le sentier ou la carte, parfois rappeler une expérience. Comme Benoît, leur objectif prime sur le collectif. Le groupe se compose ici de wagons qui sautent et puis recollent. Parfois, disparaissent. J’ignore si le train arrivera à Saint-Pierre, mais une chose est sûre : en prenant à gauche, par la route des abandons, j’y serais plus rapidement.

Arrivé au neuvième livre, l’un d’eux arrache les pages pour tous. Pendant ce temps, Julien, habitué des ultras longues distances – il participera à une épreuve de 1000 km en 2022 – se joint au groupe. Comme Mickaël, avec qui il a partagé un tour lors de leur première participation, Julien connaît et reconnaît parfaitement le chemin. Bien que d’un rythme proche – tous étant au même point, au même moment de la course –, Olivier et F.-X. ne l’attendent pas vraiment. Julien ne panique pas. Peu après le livre 10, ces derniers s’écartent du chemin, pour monter tout droit dans la pente. Julien, pourtant discret, les remet sur la voie, comme Mickaël l’avait fait dans la nuit[13].

Le groupe se reforme alors et nous croisons François, un virgin, en chemin inverse. Il est à la recherche du 10^e livre, qu’il a oublié en route. Le groupe d’Olivier lui indique la cache, et continue d’avancer, jusqu’à un point d’eau – sorte d’abreuvoir – où un autre petit groupe se ressource déjà. Tous remplissent leurs flasques et leur poche à eau, sauf François, revenu du livre 10, qui nous dépasse, concentré.

Comme lui, tous repartent un à un ; Julien, en premier, que je suis. Connaissant le parcours et les caches, il espère finir un premier tour et repartir, pour boucler une seconde boucle dans les temps, ce qu’il n’a jamais réussi à faire en plusieurs tentatives. Se considérant lent, il préfère ne pas s’appesantir au risque d’hypothéquer ses chances. Il imagine aussi que les autres le rattraperont. Je m’accroche donc à lui, avec l’idée de l’observer, d’avancer, et d’éventuellement me laisser décrocher, si je n’arrive plus à avancer. Mais à la première descente, il m’est difficile de courir. Je crampe anormalement et préfère le laisser filer. F.-X. et Olivier me remontent alors et je me bats pour rester avec eux, pour trouver plus vite le prochain livre. Comme pour le précédent, un seul arrache les pages. Cette fois, je les laisse filer progressivement, sur l’une des rares descentes relativement faciles.

Cédric, un coureur esseulé, m’y rejoint. Il s’agit lui aussi d’un virgin, venu du Canada. Très naturellement, il se met à me parler de son métier, dans la recherche, et nous conversons facilement[14].

Nous arrivons à une intersection où nous retrouvons F.-X. et Olivier, hésitant, carte à la main. Selon sa mémoire, Olivier s’avance sur le chemin de gauche et tous le suivons, grisés par son expérience. Le groupe commence à marcher dans des herbes de plus en plus hautes, le chemin devient de moins en moins visible. Cédric consulte la carte et émet un doute. Chaque mètre nous enfonce dans l’erreur. Il décide de rebrousser chemin, malgré l’assurance d’Olivier, préférant se fier à son instinct et à sa lecture cartésienne du terrain[15]. F.-X. et Olivier continuent cependant. Connaissant cette partie du massif, je colle plutôt Cédric, et au bout d’une vingtaine de minutes, nous arrivons au douzième livre, sans nouvelles d’Olivier et  F.-X. Cédric m’avoue aimer ses parties à naviguer, avec la carte. Dans ces moments-là, la course trouve tout son sens, et la promesse de découverte sied parfaitement à sa quête de résonance, autant qu’à son esprit scientifique. Pour cette raison, à peine trouvé le livre, je laisse filer Cédric sans rien dire ni qu’il s’en aperçoive.

Je reprends ma marche seul, à douter de l’itinéraire, mais sans commettre trop d’erreurs. Au fur et à mesure des kilomètres, je perçois un rétrécissement de mes pensées, qui se replient sur mon corps : boire, manger, obstacle, courir, marcher. Aridité jusqu’aux neurones. « Il faut être chirurgical, il faut être inhumain », m’avait prévenu Jean-David.

En consultant la trace, je réalise alors que le roadbook a dû glisser de ma pochette. F.-X. et Olivier me rejoignent finalement une bonne heure plus tard, dans une énième montée difficile, caillouteuse. Peu de mots au sujet du hors-piste. Les deux sont presque convaincus de finir le tour dans les clous, mais aucun ne se voit repartir. Trop chaud. Pas assez de temps. Je m’y résous moi aussi, par contagion, avec l’étrange sentiment du travail accompli. Je les informe, un peu honteux, que j’ai égaré dans la nature le précieux sésame, mais crois me souvenir des deux dernières énigmes. J’imagine terminer avec eux, mais dans la descente le petit groupe se délite et F.-X. se retrouve intercalé entre Olivier et moi. Je le rejoins sur un faux plat et F.-X. trouve le treizième livre. N’ayant plus d’eau, je décide de suivre une indication mémorisée à partir du roadbook et d’effectuer quelques mètres en hors-piste, pour trouver une source qui, je l’espère, ne sera pas tarie. Pour m’aider sans compromettre ses chances, F.-X. m’indique connaître la montée suivante : un cairn marque « rapidement » la prochaine bifurcation.

L’eau coule toujours, j’y remplis mes flasques, puis repars d’un pas fatigué, vers la prochaine longue montée ; la dernière pour moi. À ma gauche, l’ultime « route des abandons ». Je finis bien par trouver le cairn, moins rapidement qu’entendu, continue sur un single aussi étroit que raide. Dans ma tête, j’essaie de me souvenir des indications de Mickaël et d’une des rares sorties à Saint-Pierre avec Benoît, où il me confia, en courant, être dans la zone du dernier livre. Je me rappelle alors qu’il lui avait donné du fil à retordre.

Sans un bruit, Hannes, un vétéran finlandais, fond sur moi, avec ses grands bâtons. Il me partage les dernières informations de son roadbook en anglais et m’encourage à le suivre dans cette dernière difficulté. Étonnamment, je ne pense à rien, contrairement à Benoît qui avouait dans les moments délicats se raccrocher à sa famille, pour se couper de l’inconfort. Le monde se résume à cet instant aux talons d’Hannes.

Je pense que ça dépend, en tout cas pour moi, ça dépend des moments. Les moments un peu durs, ben c’est toujours les proches. Ouais, c’est toujours les images des proches qui reviennent : mes enfants, mes frangins, mon frangin parce que les autres n’ont pas ce lien qu’on peut avoir avec Romain avec le trail… Et puis les autres moments, c’est très variable […] C’est des images qui font du bien. C’est presque aller chercher finalement l’aide des gens qu’on aime… Ouais, en les convoquant, comme s’ils étaient là, quoi […] Je ne sais pas si ça m’aide, en tout cas, au moment où je le fais, j’ai le sentiment que ça me fait du bien parce que je vais focaliser mon attention là-dessus sur ces personnes, sur mes proches et du coup, ça évacue le reste et notamment les questions que tu peux te poser, à ce moment-là, sur la difficulté. C’est un moyen aussi de mettre à distance…

Benoît, vétéran

En chemin, nous croisons David et Aurélien, repartis sur leur deuxième boucle. Les deux font cavaliers seuls. David, le genou bandé, semble avoir dépassé la douleur. Il chasse Aurélien, dix minutes devant. Peu avant la bascule, nous croisons Maxime, l’air hagard, totalement lessivé. Il m’explique avoir effectué un exercice respiratoire dans la montée. Il n’arrive plus à se rafraîchir ni à bien ventiler. Si loin le Nord… Je lui explique ma mésaventure du roadbook, et il me dit que je ne suis plus qu’à quelques hectomètres. Il me parle d’un virage.

Hannes ne s’arrête pas, et je le rattrape rapidement. Nous amorçons la dernière descente tous les deux. Éric et Mickaël remontent les derniers lacets, en souriant. Ils ont l’air bien : Mickaël, déterminé ; Éric, heureux de l’accompagner. Une fois encore, j’en profite pour leur demander l’emplacement du prochain livre et Mickaël me donne de brèves indications. Puis les deux filent. J’imagine Liess dans un prochain groupe et regrette de ne pas avoir demandé de ses nouvelles à Éric.

Ne pouvant plus courir, Hannes me quitte en me répétant ses conseils pour trouver le dernier livre. Je me dis que je finirai sans doute par croiser d’autres coureurs d’ici là et je ne tarde pas à tomber, en effet, sur Benoît et Laurent, qui ne se sont pas lâchés depuis la dernière fois que je les ai vus. Je les attends, assis sur une souche. Les deux grimpent dans un quasi-silence. Benoît s’étonne de me trouver ainsi, mais semble heureux de me croiser. Il a l’air en forme et m’invite à me rappeler de notre sortie ensemble… Je ne suis plus loin, m’assure-t-il. Les deux aussi continuent. Les yeux rivés sur la carte, je me mets à compter les virages, à scruter les détails, et j’arrive enfin sur une piste, où là – surprise ! – la dernière page du roadbook est accrochée à un arbre. Quelques minutes plus tard, j’ai le dernier livre entre les mains. Conscient que le camp est à moins de cinq kilomètres, je reprends, tranquillement, encourageant tour à tour tous ceux ayant encore une chance. Je les compte : quatorze alors. Je reconnais François, Julien, Cédric. Je sais que j’arriverai à temps devant le triumvirat[17].

Je guette la Diat, le terrain de BMX, le « parc aventure ». L’odeur des diots arrive enfin. Debout, derrière la grosse pierre, Benoît du triumvirat m’accueille, d’un sourire taquin. Quelques hochements de tête. Je touche l’énorme roc, ouvre mon sac et y dépose les pages les unes après les autres. Benoît du triumvirat les recompte avec moi, afin d’éviter toute erreur de manipulation. « Quatorze », me rassure-t-il. Je lui indique que je ne repartirai pas, lui rends déjà la balise. Benoît du triumvirat n’insiste pas. « Ça t’a servi pour l’étude ? », m’interroge-t-il. Ce n’est pas à moi de répondre. Pas maintenant.

Pas de cuivre présent cette année. Juste une petite enceinte connectée qui crache la Sonnerie aux morts. Benoît du Dauphiné Libéré capte la scène. Elle apparaîtra brièvement dans son film. Sous un arbre, près du totem des plaques, je discerne Liess, à l’ombre, qui me regarde en riant. Il est temps de compter les tiques.

Pour lire la thèse, “Quêtes de résonance dans un jeu d’endurance radical : la Chartreuse Terminorum, en intégralité”, rendez-vous sur la plate forme HAL, à l’adresse : https://hal.science/tel-04395731v1

Photo DR

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[1] « 11 h 30 » a-t-il dit à Benoît la veille, ce qui l’avait fait rire. Un an plus tard, Benoît bouclera le premier tour en moins de 11 heures.

[2] Sur les coureurs suivis, capables d’une boucle, par le passé : Romain a au préalable renoncé pour des raisons d’organisation, Alexandra pour cause de blessure.

[3] Avec la sécheresse, l’effet est toutefois atténué. Certains coureurs, dont Benoît, parvinrent à la franchir sans se mouiller les pieds, plus tard (voir photographie).

[4] Nous remercions Benoît Lagneux, du Dauphiné Libéré, qui nous a autorisé à reproduire ces images.

[5] Aucun coureur lors des entretiens d’après course ne les mentionnera non plus. À ce propos, Benoît du triumvirat expliquait le choix de manière pragmatique : « En fait, c’est pas compliqué, quitte à mettre des livres autant qu’il y ait un sens, de choisir des livres qui vont avoir un sens avec la course donc qui vont parler soit de la difficulté, soit de la nuit, soit de l’extrême, de tout ça. Et en fait, quand tu vas dans un bibliothèque, tu vas t’apercevoir qu’il y a énormément de livres… dont le titre est, parce que le titre est toujours un peu à double sens et à triple sens, et je me suis vraiment aperçu, parce qu’il y a une année où on était vraiment en retard pour trouver des livres, donc je suis allé à la bibliothèque de Saint-Pierre de Chartreuse et devant il y a un bac avec des livres que les gens peuvent prendre et dans la vingtaine de livres qu’il y avait là, il y avait au moins la moitié dont le titre pouvait évoquer quelque chose par rapport à la peur, à la mort, à un côté dérision. Voilà, donc j’ai trouvé mon bonheur là-dedans sans avoir à trouver quelque chose de compliqué ».

[6] Dans une descente, Alice vint en effet coincer l’un de ses bâtons entre mes jambes, de manière involontaire, sans trop de conséquences.

[7] Maxime l’avait attendu juste avant, pour l’aider à se soigner.  

[8] La cache a été changée depuis.

[9] L’un des membres du triumvirat étant sujet au vertige, le parcours n’emprunte quasiment aucun sentier exposé, et les portions jugées les plus dangereuses sont signalées par le roadbook. Emmanuel, accompagnateur en moyenne montagne, nous confia que s’il se sentait dans l’obligation de poser une corde, le chemin était abandonné.

[10] Seulement deux à ce stade de la course, pour plus de six heures d’effort.

[11] Accélérer puis ralentir.

[12] Dans mon aller-retour, j’apprendrai plus tard que Jean-David, Nicolas le vétéran et un autre virgin ont eu le temps de prendre la sente sans que je m’en aperçoive.

[13] Éric nous rapportera une expérience similaire, ayant oublié sa carte à une cache sur le parcours, il effectua un demi-tour express pour le récupérer. Liess l’a alors sifflé, pour qu’il retrouve leur groupe, à l’oreille.

[14] Il a également un parcours de coureur « type Barkley », dont il ne parle pas sur le sentier. Cédric a pourtant fini deuxième de la Barkley Fall Classic – une course de 50 km dont la première place qualifie à la Barkley – et fait partie de l’équipe canadienne de Backyard (40 tours).

[15] D’après la carte, nous devrions descendre encore, pour arriver au prochain livre, or nous remontons légèrement.

[16] Le constat prévalait sur la Barkley. Furtaw écrivait déjà (2010, p.187) : « Gary et Raw Dog s’étaient rendu compte que de nombreux coureurs empruntaient intentionnellement le contournement en montée, la mise en place d’un livre au cœur de la coupe rase avait donc pour but d’éviter ce raccourci ». Traduction personnelle : « Gary and Raw Dog had realized that many runners were taking the uphill bypass intentionaly, so the placement of a book in the heart of the clear cut was intended to prevent this short-cutting ».

[17] Ces derniers se relaient au camp durant tout le week-end.

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